Dans la France de 2024, les racistes sont aux portes du pouvoir!
J’ai reçu les résultats des élections avec beaucoup d’amertume. Moi, yamina, arrivée mineure en France d’un pays pas si lointain. Un pays qui a subit les affres de la colonisation par ce même pays dans lequel je vis aujourd’hui. Je viens d’Algérie. Je suis kabyle pour être précise -Yasmina Khadra si tu me lis, je fais la précision parce que je ne souhaite point d’autographe de ta part-.
J’ai vécu en France plus longtemps que dans mon petit village de naissance. Je connais mieux les ruelles de la capitale des Alpes que celles du chef lieu de ma commune de naissance. J’ai rencontré ici des gens extraordinaires et j’ai en Algérie une partie de moi qui vit encore. Ou est-ce peut-être l’inverse? J’ai une partie de l’Algérie qui vit en moi.
J’aime viscéralement l’Algérie, c’est plus fort que moi. Et j’ai envie de dire que ce n’est même pas un choix que j’exerce. Je l’aime c’est tout. Je l’aime avec tous ses défauts et toutes ses imperfections. Je pense que nos terres de naissance continuent de vivre en nous nos vies durant. Et c’est peut-être pour ça que la seule terre qui mérite nos corps sans vie c’est celle qui nous a vu naître.
Jaime aussi la France. Comment puis-je dire le contraire? Il serait insupportable de vivre dans une terre qui ne nous émeut pas. Et j’ai vécu tant d’émotion dans ce pays, qu’il continue une grande partie de ce que je suis. J’ai ici mis au monde mes trois filles. Je suis ici tombée amoureuse. Et j’ai ici obtenu mes diplômes.
Mais aujourd’hui, en 2024, le rejet de l’autre s’exprime en toute décontraction en France. Des racistes qui souhaitent distinguer les individus selon la couleur du bout de papier qu’ils ont dans leurs poches peuvent accéder au pouvoir. Pour ceux qui ne le savent pas, la carte de séjour est rose et la carte d’identité française est bleue. Je le sais parce que j’ai eu les deux. J’ai eu une carte de résidence pendant 5 ans après ma majorité avant de me faire naturaliser. J’ai donc exercé le choix de devenir française. Pour le Front National, je suis une française de papier. C’est comme ça qu’ils nous appellent, nous autres qui n’avons pas la bonne couleur de peau selon eux.
Ils peuvent demain proclamer que dans tel secteur, si vous n’avez pas le bon papier, vous ne serez pas le bienvenu pour travailler. Ils peuvent demain proclamer que pour être aider dans un moment de difficulté, vous devez être de telle couleur de peau. Ils peuvent comme ils le font déjà vomir leur haine de l’autre sur nos écrans de télévision sans que cela pose un problème à personne.
Au-delà des propositions politiques des descendants du tortionnaire jean marie Lepen , il y a le sujet de ceux qui les choisissent. Moi, aujourd’hui, je ne comprends pas la société dans laquelle je vis. Je ne comprends pas qui sont ces personnes qui votent pour eux. Je suis désolée mais je n’arrive pas à envisager que mes voisins, mes collègues, les parents d’élève de l’école de mes filles votent pour un parti raciste. C’est trop insupportable pour que je puisse l’admettre.
La sidération de les voir ainsi majoritaire dans 99% départements, vient questionner mon identité. Ou plutôt mes identités. Qui suis-je? Je ne sais pas qui je suis. La loi immigration de Macron et le massacre des palestiniens dans un silence assourdissant sont déjà venus interroger cette même identité. J’ai déjà pensé que quand ce sont des arabes et des noirs qui meurent, cela ne dérange personne. Le monde peut regarder impassible des enfants mourir de faim au Soudan ou mourir sous les bombes à Gaza sans que cela provoque l’émotion générale. C’est comme si l’humanité était sélective. Et moi, je ne suis pas dans la bonne tranche de l’humanité. La mort des Gazaouis aujourd’hui c’est potentiellement la mienne demain. C’est ainsi que je perçois ce qui se passe. Je me dis que demain, nous africains pourrions être déportés et asphyxiés sans que l’humanité -l’autre humanité- vienne à notre secours. C’est comme si nos vies comptaient moins.
Mais une partie de moi refuse d’admettre que l’humanité puisse être sélective. L’humanité est inclusive où elle n’est pas. Voter FN c’est renoncer à une partie de son humanité et donc à la totalité de celle-ci. Parce que l’humanité ne peut être fragmentée. Il est urgent pour nous, d’être pleinement humain. D’embrasser le monde dans sa globalité. On ne peut être heureux en France alors que des enfant meurent en Palestine, en ukraine, au Soudan.
Le vote FN c’est la conséquence de la mise à distance de l’autre. L’autre peut-être un palestinien, mais aussi un français d’origine étrangère. Tout ce qui n’est pas moi. C’est l’autre. Et l’autre c’est le mal.
Tout est lié. Parce que nous sommes UN.